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Des 1ers émois à l’AMAP

JOURNAL D’UNE NOUVELLE PAYSANNE

samedi 23 mai 2009, par Elisabeth

Dans Passerelle éco n°17
(Passerelle Éco, Corcelle, 71190 La Chapelle sous Uchon
www.passerelleco.info)

8 novembre 2004 : Premières cultures !

J’ai le dos cassé, mais quel bonheur !!!
Les choses vont vite parfois et pas du tout
comme on les auraient rêvées (la nature, la
campagne, une source ou au moins un
puits... et le silence). J’ai commencé aujourd’hui
à cultiver un petit bout de terrain... tout
près de.la rocade ! Il faut crier pour se parler,
et il n’y a même pas d’eau !... Mais voilà,
à force de rêver, le désir de passer au concret
est plus fort que tout et même si c’est pas
les conditions idéales, loin de là, c’est quand
même un démarrage : je suis, je me sens, je
me dis : MARAICHERE !!!

Si j’ai accepté ce petit terrain (560m2) si mal
placé, c’est d’abord parce qu’on me le prête,
et surtout parce que j’en ai un autre de 5
000m2 en vue pour le printemps, appartenant
au même propriétaire, si on s’entend.
Celui-ci est beaucoup mieux situé et il y a
l’irrigation et tout et tout, un tracteur qu’on
me prêterait, une petite serre, etc !...

Et ce terrain est à 4 km de chez moi, donc je
peux donc y aller à vélo, et pour livrer mes
légumes, pas non plus de transport, car les
clients sont dans le quartier !

Ce matin mes premières fèves sont semées
ainsi que quelques radis. Si tout va bien il y
aura des légumes pour l’AMAP de Pessac
(33) pour le printemps !

Le 23 novembre 2004 : Ca germe !

Les premiers radis sont sortis et...ont été illico
dévorés par les oiseaux !... J’ai retrouvé
les petites racines toutes sorties de terre,
couchées par terre, avec toutes les premières
petites feuilles mangées... Idem pour les
premières salades... Quelle aubaine pour
les oiseaux ! Pas un seul autre légume à la
ronde, seulement des plantes ornementales
bien moins comestibles !

Ma révélation : le Jardin de Cocagne
Evoquons un peu les débuts de mon parcours
de future nouvelle paysanne. Cela fait
au moins 3 ans que ce désir du “retour à la
terre” à germé dans mon esprit. Cela a été
la rencontre d’un jardin de Cocagne (voir
encadré), à un moment où je me morfondais
dans un boulot qui ne me correspondait
plus, et ce fut le coup de foudre ! A partir de
là, tout s’est enchaîné, je n’ai plus eu qu’à
suivre, attentive, le chemin qui s’ouvrait
devant moi...

Installation

Ce coup de coeur a d’abord été pour le lien
insertion / travail de la terre. En effet, il m’est
apparu évident que le travail de la terre, proche
de nos racines, est particulièrement restructurant
pour des personnes en difficultés
sociales. Travailler sur des cycles complets :
semer, planter, récolter et être dépendant de
la météo sont autant de facteurs qui nous
recentrent sur nous-mêmes et notre place
dans la nature. Et puis, travailler en bio,
signifie produire des légumes de qualité et
respecter l’environnement, ce qui entraîne
un respect de l’homme et valorise forcément
les salariés du jardin de Cocagne.

Alors en Janvier 2003, j’ai suivi une journée
de formation dans le réseau Cocagne et
puis, de rencontres en rencontres, de visites
de jardins de Cocagne en visites, je me suis
rendue compte que le côté administratif des
associations d’insertion était vraiment très
lourd, et que même si mes expériences passées
me donnaient peut être la capacité de
gérer cela, ce n’était pas du tout ce qui m’intéressait
 ! Et puis l’insertion...Quand il s’agit
de personnes en très grosses difficultés, je
n’ai peut-être pas la carrure nécessaire pour
l’encadrement...Et d’ailleurs, n’était-ce pas
moi que je cherche à réinsérer ? Alors comment
pourrais-je me permettre de vouloir
réinsérer les autres ?...

Sinon, le côté travail en commun, avec
entraide et solidarité, ça me correspond tout
à fait. Et les jardins de Cocagne forment un
réseau national avec une réflexion commune
à plusieurs jardins, un échange d’informations
pour éviter de répéter les mêmes
erreurs et évoluer plus vite et intelligemment
 ; cela aussi m’attirait irrésistiblement !
Et puis, bien sur, il y a la pratique de la culture
des légumes, le contact avec la terre
que je ressens comme primordial pour moi.
J’ai une formation agricole à la base, un BTA
(Brevet de Technicien Agricole) ; adolescente,
ça me titillait déjà, l’agriculture !
Premières expérimentations : un Jardin
pédagogique et communautaire
Peu de temps après mon coup de foudre
pour les jardins de Cocagne, j’apprends
qu’un jardin pédagogique dans mon village
(j’habitais le Lot à l’époque) périclite et qu’il
recherche des bénévoles motivés. C’est une
aubaine pour moi ! En Mars 2003, nous
nous sommes donc retrouvés à quelques
uns pour relancer ce jardin, avec l’aide des
cantonniers, une aide financière et le prêt du
matériel des municipalités. J’ai pu ainsi me
faire la main en culture bio, car même si j’avais
déjà eu un jardin, c’est autre chose
d’appliquer correctement les méthodes bio
sur un terrain un peu grand. Heureusement,
une des personnes de l’association connaissait
bien les techniques du bio.

C’est ainsi que toute l’année 2003, nous
avons accueilli le centre aéré le mercredi.
Une parcelle a été aménagée à son usage où les jeunes ont suivi la culture de leurs
légumes. En plus, nous leur avons fait
découvrir des odeurs, des goûts, des légumes
oubliés, des plantes sauvages comestibles...
Les adultes viennent aussi, de tous
âges, connaissant ou non le jardinage, voulant
apprendre le bio. Nous travaillons
ensemble les mercredi, et le reste du temps
chacun vient selon ses envies et disponibilités.
Nous partageons les récoltes, plutôt en
fonction des besoins de chacun que du
temps passé à travailler dans le jardin.. et
cela fonctionne bien ! En prime (chut !), la
cantine du village a profité régulièrement de
notre production...

Les jardins de Cocagne :

Jardins biologiques collectifs à vocation d’insertion sociale, les Jardins de Cocagne sont
généralement des associations loi 1901. A travers la production de légumes biologiques
distribués sous forme de paniers hebdomadaires à des adhérents-consommateurs, ces
Jardins permettent à des adultes de retrouver un emploi et de construire un projet personnel.

Ainsi les Jardins sont : 􀀗un lieu d’accueil et d’insertion sociale et professionnelle,
􀀗un lieu d’échanges et de communication entre les adhérents et les jardiniers, un lieu
convivial ouvert sur la cité, 􀀗un service de proximité favorisant le développement économique
local.

Contact : Réseau Cocagne, 2 grande Rue 25220 Chalezeule - 03 81 21 21 10 -
www.reseaucocagne.asso.fr

Le 29 novembre 2004 : Ca regerme !

Revenons en à mon présent ... les oiseaux
ont mangés mes premiers plants. Après un
petit temps de découragement, je me rappelle
l’existence du voile agrotextile.

Seulement on est en ville ici ! Où est-ce que
je vais trouver ça ? Dans les jardineries, on
en trouve par petites longueurs (10m environ),
alors qu’il m’en faut plusieurs longueurs
de 30m (la taille de mes planches).

J’ai fini par découvrir une petite épicerieboulangerie-
droguerie-graineterie, comme
chez ma grand-mère, à la limite ville campagne
 ; Ouf ! Et en plus, j’ai de la chance : en
discutant avec eux, ils me sortent un vieux,
mais neuf, semoir du fond d’un grenier qu’ils
me cèdent pour pas cher du tout ! Et encore
en plus, ils s’intéressent à mes futurs légumes,
mêmes pas encore germés ! Ils ont de
la demande pour des produits bio dans leur
magasin !

De nouvelles graines de radis germent ; je
les couvre vite. Les fèves sortent aussi, elles
n’ont pas l’air d’intéresser les oiseaux... Les
petits pois, je me méfie, je les couvre
aussi...

Je passe plus de temps sur mon ordinateur
et dans les livres que sur le terrain en ce
moment : un projet AMAP, c’est beaucoup
de prévision et d’organisation. J’ai ressorti
mes cours ; comment on fait un budget prévisionnel
 ? Et puis qu’est ce que je peux bien
cultiver à cette saison ? J’aimerais analyser
ma terre aussi, comment on fait déjà ? J’ai
l’impression d’avoir tout oublié de ce que j’ai
appris il n’y a pourtant pas si longtemps...
La pratique : SEL et maraîchage bio
Pour en revenir à mon parcours, j’ai perdu
mon travail en février 2003. Moment difficile
à vivre... Mais TROC’LOT était là ! TROC’-
LOT, c’est le SEL (Système d’Echanges
Local ) du Lot. C’est un SEL rural, qui existe
depuis bientôt 10 ans et qui fonctionne plutôt
bien en ce qui concerne “le vivrier”. C’est
à dire qu’il y a un certain nombre d’échanges
alimentaires et d’aides aux producteurs. A
mon avis la seule vraie raison d’être du SEL
d’ailleurs, c’est cette économie parallèle
vivrière ; la convivialité et l’idée politique
ayant une place importante bien sûr dans la
raison d’être du SEL, mais non primordiale.
Donc, j’ai trouvé à la fois comment assurer
le manque à gagner de la perte de mon boulot,
mais aussi une formation pratique en
maraîchage bio en même temps chez un
maraîcher, où j’ai travaillé une à deux fois
par semaine de mars à août 2003, en parallèle
avec l’activité au jardin Bourian.

Le 10 décembre 2004 : attaque de rats ?

Mais qui donc gratte au pied des fèves, les
tire alors que les racines font déjà 20 bons
cm, grignote les graines, arrache et casse
les pousses mais ne les mange pas ? Je
m’obstine à les replanter lorsqu’elles ne sont
pas cassées, et heureusement elles semblent
coriaces et repartir... Je vais quand
même les couvrir aussi, et j’investis dans un
nouveau rouleau de voile...

Et puis les carottes sont sorties, je les couvre
aussi, on ne sait jamais... Presque tout le
terrain est recouvert d’un voile blanc, on
dirait une immense toile d’araignée couverte
de rosée ! Il n’y a pas d’eau sur mon terrain.
Mais il pleut assez souvent pour l’instant, et
en plus de la protection contre les animaux,
le voile agrotextile a l’avantage de conserver
l’humidité dessous (comme un paillage) et
en plus la terre se réchauffe mieux et les
plantes sont protégées du gel. Sinon, pour
les semis, je récupère l’eau de pluie. Avec
mon compagnon, on a dérivé la gouttière de
la maison dans une grande poubelle et je
rempli des bidons que je transporte, jusqu’au
terrain ! C’est pas le top, mais c’est
écolo !

Fin 2003 : La Formation : BP REA

Je me suis renseignée sur les formations
existantes en maraîchage bio et j’ai découvert
le BP REA (Brevet Professionnel de
Responsable d’Exploitation Agricole) option
maraîchage bio de Brens (près de Gaillac -
81). Une formation de 9 mois dont 4 de pratique,
qui a pour but d’accompagner les personnes
dans l’élaboration de leur projet professionnel
et dans l’acquisition de compétences
liées à ce projet. Tout à fait ce qu’il
me fallait !

J’ai dit adieu au jardin Bourian avec un peu
tristesse... Mais il fallait que je me perfectionne
et avance dans mon projet...

Acceptée à cette formation qui démarrait le
15 sept 2003, j’y arrive ne sachant plus trop
ce que je voulais faire... Mais je savais ce
que je ne voulais pas ! : monter un jardin de
Cocagne, m’installer comme maraîchère et
vendre sur les marchés (parce qu’il y a finalement
peu de relations avec les clients, une
certaine solitude du maraîcher, et puis beaucoup
de perte de la production)... Je savais
quand même que je voulais travailler en lien
avec la nature, militer à ma manière pour la
sauvegarde de la planète, non en opposition,
mais en action positive... et plutôt cultiver
des légumes parce ce que cela représente
la base de la vie ; la nourriture, la
santé. Je savais aussi que le relationnel a
une grande importance pour moi, que j’ai
besoin d’évoluer dans un milieu convivial et
que le travail en réseau, en commun, en
complémentarité, en équipe, me convient,
même si je suis pourtant particulièrement
indépendante !

21 déc 2004 : L’AMAP de Pessac (33)

Aujourd’hui j’ai eu mes premiers paiements
pour les futurs paniers de légumes ! Cette
fois, je n’ai plus le choix, je suis vraiment
engagée dans cette aventure et une dizaine
de personnes sont impliquées avec moi...
Nous avons créé, en même temps, et même
un peu avant que je trouve le terrain, une
association, Terre d’ADELES (Association
pour le Développement d’Echanges Locaux,
Equitables et Solidaires). L’AMAP
(Association pour le Maintien d’une
Agriculture Paysanne) est une émanation de
Terre d’ADELES. Les 10 premières personnes
se sont engagées pour l’abonnement de
paniers quotidiens à partir de mars.

Maintenant les fèves, les petits pois et
même les carottes ont levé. Pour les carottes,
je les ai consciencieusement semées en
rangs écartés de 20cm, pour les désherber
avec un REAL (une houe à roue que j’ai
commandée récemment et attends avec
impatience) et j’ai l’impression qu’il y en a
partout. Le désherbage va être une galère...
Vivre de son travail : AMAP et solidarité
C’est l’été 2003, juste avant ma formation
BPREA, que j’ai découvert les AMAP (voir
p.50). Nous avons visité plusieurs AMAP ,
l’été 2003 et en février 2004, pendant ma
formation (voir notre récit “Paniers et
réseaux de solidarité” dans Passerelle éco
n°15 de l’été 2004) et avons été comblés par
la chaleur humaine, la convivialité, la solidarité
qu’il y a entre consomm’acteurs et producteurs.
Il était clair pour moi que j’avais trouvé le
système de vente qui me convenait pour le
relationnel la convivialité, et qui me permettrait
de vivre de ma production !...

Parce qu’il ne faut pas rêver : les producteurs
bio ont du mal à vivre... Il faut pouvoir
s’installer d’abord, il n’y a pas d’aide à l’installation
passé 42 ans (et demander la DJA,
c’est s’aliéner au système, rendre des compte...
Et ensuite, il y a beaucoup de perte de
production, légumes trop petits, pas
beaux,... et les restes du marché... Dans
l’AMAP, pas de perte, tout est consommé , et
surtout il y a l’appui des consomm’acteurs !
Mon compagnon habite à Pessac, nous
décidons de vivre ensemble .. et un projet
AMAP germe ici, avant même qu’on ne parle
de mon projet à qui que ce soit ! Je n’ai qu’à
suivre le chemin qui continue à s’ouvrir
devant moi ! Je déménage officiellement le
1er novembre 2004, l’AMAP est créée officiellement
le 21 novembre 2004.

La suite des mes aventures bientôt !

Elisabeth GUEGAN elisag2@free.fr

BPREA Bio de Brens

Le Brevet Professionnel Responsable Exploitation Agricole « Maraîchage biologique » a pour
objet d’accompagner les porteurs de projets d’installation dans la conception et la concrétisation
de ce projet. Neuf mois de formation sont mis à leur disposition pour étayer leur projet,
le confronter au contexte technique, économique, réglementaire et social.

C’est la construction du projet d’installation qui est le fil conducteur de la formation. Elle est
alimentée d’apports théoriques, de stages en exploitation et de visites afin de donner des
éléments de décision répondant aux différentes situations, avec une alternance de formation
au centre et de stages. Un contrôle continu a lieu, validé par un jury permanent.

Les candidats doivent pouvoir justifier de 2 années (4056h) d’activité professionnelle et être
titulaire d’un CAP, d’un BEP ou d’un niveau de scolarité de fin de seconde, ou de 2 années
d’activité professionnelle dans le secteur agricole ou de 5 années dans un autre secteur.

au CFP Centre de Formation et de Promotion des M.F.R. Brens 81600 Gaillac
05 63 57 05 15 - Site : www.cfp81.asso.fr