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Rendez-vous à Pôle Emploi

jeudi 14 octobre 2010, par Elisabeth

Lorsque j’ai écrire cet article, cela s’appelait encore : ANPE
Aide National Pour (trouver) un Emploi
ou Agence Nationale Pour Eliminer (le plus de gens possible des chiffres du chômage)

Comme beaucoup, me voilà poussant la porte de l’ANPE, suite à une fin de contrat... ce n’est pas mon premier contact, mais je m’aperçois vite que les choses ont bien évoluées, et peut être pas forcément dans le sens d’aider les gens à retrouver du travail, mais sûrement dans celui d’avoir le moins d’inscrits possible....

J’arrive avec un projet. Un projet qui s’inscrit complètement dans la continuité du précédent ; un projet qui tient debout j’en suis sure, mais qui me demande un certain temps pour le mettre en place et un petit accompagnement sur quelques points... Mais ici : « on ne rêve pas : si vous voulez être danseuse ou chanteuse, il faut aller à Paris ; ici on veut être agent d’entretien ou aide à domicile, sinon on est pas demandeur d’emploi et on est radié de l’ANPE » dixit une « conseillère »...

La « conseillère » qui me reçoit ne connaît pas les AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) et ne cherche pas à savoir ce que c’est. Je sens bien qu’elle me catalogue tout de suite dans les « rêveuses » citées plus haut, de plus j’ai 50 ans...pas de voiture... Encore un cas compliqué dont il faut se débarrasser au plus vite... Elle me renvoie vers un prestataire privé d’aide au retour à l’emploi, « qui m’aidera à avancer sur mon projet » me dit elle. J’ai donc un rendez-vous imposé tous les 10 jours... Il faut savoir quand même que j’habite à 30 km de l’ANPE et que je me démène pour mon projet qui me prend beaucoup de temps... Mais si cela doit m’aider... Je me débrouille donc pour y aller... de toutes façons je n’ai pas le choix, indemnités ASSEDIC obligent...

Le salarié de l’entreprise privée, prestataire de service pour les demandeurs d’emploi me laisse d’abord exposer mon projet, mais bien vite m’explique que l’ANPE ne m’a pas envoyée là pour ça, qu’il n’est pas au courant de cet objectif, qu’il est là pour me faire comprendre ce à quoi je peux prétendre et chercher comme travail dans la région au vue de mon age et de mes compétences et ce qu’on peut trouver ici...J’apprends aussi, par la responsable de l’agence privée, que si je remplis et signe les objectifs professionnels qui conviennent à l’ANPE, on me fichera la paix. Donc je signe, la mort dans l’âme, et sans qu’on ne m’ait aidée aucunement sur mon projet, un objectif d’emploi d’aide à domicile et d’agent d’entretien, dans l’espoir que cela s’arrête là...

Nouveau rendez-vous à l’ANPE (c’est tous les mois) : « agent d’entretien ? Mais alors on va vous faire passer des tests de capacités : théorie et mise en situation le matin, entretien avec un employeur l’après midi... Rendez-vous à la « plate-forme des vocations » le... (4 ou 5 jours après).

Je commence à franchement déprimer et me demande si je ne vais pas prendre le risque de perdre mes allocations ASSEDIC car ça commence à être cher payé de venir si souvent à la ville et de ne pas pouvoir avancer comme je veux sur mon projet...

Je vais quand même au rendez-vous « test de capacités pour agent d’entretien » et alors là, c’est le summum !
Je savais que le but de l’ANPE était de faire chuter les chiffres du chômage par tous le moyens, mais je n’avais pas encore compris que tous les moyens, c’est... tous les moyens !

Et je découvre que certaines conseillères se complaisent vraiment manifestement dans ce rôle de pouvoir et de mépris, de dévalorisation des gens... (Ca me rappelle quelque chose... à un autre niveau, mais pas si loin ; jusqu’où seraient-elles capable d’aller si on leur demandait ???))

9h30

J’arrive 5mn en retard ; ce n’est pas mon habitude, j’aime bien la rigueur et être à l’heure, mais cela peut arriver à tout le monde : et bien je me fais engueulé comme du poisson pourri par une des 2 intervenantes, mais comme je fais mine de faire demi tour, elle me retient quand même...
Nous sommes une vingtaine, assis autour d’une table, serrés dans une petite pièce, chaque intervenante est à un bout de la salle, debout. Elles se renvoient la balle de manière offensive : « Vous voulez consommer » , « vous voulez un pouvoir d’achat », vous ne voulez pas laisser vos enfants démunis », « vous voulez aller au restaurant à 20 h et pas à 16h, faire vos courses même le dimanche, que la femme de ménage ait nettoyé votre bureau avant votre arrivée le matin ; donc il FAUT accepter des horaires décalées, il FAUT accepté de travailler dès 5h le matin, ou jusqu’à 23h, il FAUT accepter de travailler le week end... ». , « un enfant à aller chercher, être malade : ce sont des mauvaises excuses pour ne pas travailler » ; « pour élever un enfant, il faut des sous dans le porte monnaie », « n’essayez pas de nous rouler dans la farine », « ici les emplois ce sont : aide à domicile, agent d’entretien, le bâtiment et la restauration, c’est tout . Si vous voulez être danseuse ou chanteuse, allez à Paris. ». (on me l’a déjà dit ça...) « Vous voulez consommer et bien il faut consommer de l’emploi » (cette phrase fétiche nous sera répétée 5 ou 6 fois !)

Et le harcèlement, le bourrage de tête dure ainsi pendant 1h...

Puis : « Maintenant vous allez remplir les fiches que l’on vous distribue avec de jolis stylos tout neuf, regardez comme on est gentilles avec vous ! Mais il ne faudra pas les emmener, on ne vous les donne pas » (Nous sommes infantilisés à un point...)
Donc sur la fiche, après nom, prénom, etc, on nous demande les métiers qu’on aimerait faire... Mais elles sont là, derrière, à surveiller.... « Attention ! On vous a bien expliqué les secteurs où il y a du travail, si vous mettez « danseuse » et même « assistante maternelle », on vous radie des demandeurs d’emploi parce que c’est du rêve, pas réaliste du tout, il n’y a pas d’emploi d’assistante maternelle ici »...

Ensuite nous devons dire à quelles horaires nous souhaiterions travailler en semaine : « Attention ! N’oubliez pas que le travail, c’est de 5 heures du matin à 23h maintenant ! ».

Et la question suivante est : « Acceptez-vous de travailler le week end ? ». « Et bien mademoiselle ? Vous ne voulez pas travailler le week end ? ! ». « Mais, j’ai des enfants !... » « Ce n’est pas une raison, il y a les crèches, les garderies, si vos enfants vous empêchent de travailler vous ne pouvez plus rester sur la liste des demandeurs d’emploi ! » « Les enfants, c’est une mauvaise excuse, est ce que vous embaucheriez-vous quelqu’un qui vous dit qu’il part plus tôt pour aller chercher son enfant, ou ne vient pas parce que son enfant est malade ?! » « Alors ? Vous la remplissez la case du week end ou vous partez ? »

« Et la demoiselle qui nous a dit au début qu’elle doit aller chercher sa fille à 11h, elle comprend qu’elle n’est pas disponible pour un emploi ? Donc on vous radie et vous reviendrez vous inscrire quand vous aurez trouvé une crèche ! ». « Mais je viens de déménager ! J’attends de toucher les ASSEDIC pour pouvoir payer la crèche pour ma fille et être libre pour chercher du boulot ! Là je ne peux pas payer la crèche pour l’instant ! » « Débrouillez-vous : famille, amis, voisins, si vous n’êtes pas capable d’être disponible, ce n’est pas notre problème, vous êtes radiée de l’ANPE »

« Et puis ce jeune homme, il peut pas non plus travailler tôt le matin ? » « Je suis malade... ». « Vous êtes malade ! Un beau jeune homme comme vous ! En pleine forme ! Allons, allons, vous avez plein d’énergie pour travailler.... D’ailleurs si vous êtes malade, qu’est ce que vous faites là ? Il faut le déclarer à l’ANPE et vous mettre en arrêt maladie »

10h30

La moitié des effectifs s’en vont : ils échappent à la mise en situation...

Une dizaine d’entre nous reste ; j’ai droit à un « bon courage ! » soufflé par un jeune homme...

On nous amène dans une autre salle pour tester nos capacités comme agents d’entretien.

Debout devant des tables avec chacun un immeuble en carton, des pièces avec un motif de moquette (= bureaux), d’autres avec un motif de carrelage (= usines). On nous explique au moins une dizaine de fois : « vous avez 4 missions, vous devez aller chercher les produits d’entretien nécessaire pour chaque mission (ce sont les petits bidons en bois au bout de la pièce) et utiliser les bons produits pour les bonnes tâches : bidons verts = usines ; bidons marrons = bureaux, bidons verts = usines, bidons marrons = bureaux, bidons.... environ 10 fois la même phrase est répétée ; un vrai matraquage de cerveau ! Ceux qui ont compris s’ennuient ferme, ceux qui n’ont pas compris, ne comprendront de toute façon pas, car il est évident qu’ils n’arrivent pas à faire le lien entre le virtuel et le réel... Pourquoi ne s’en rendent elles pas compte ??? !

On a 14 minutes pour la première mission, 12 pour la deuxième, 10 pour la troisième... Pour ma part, j’ai bien du mal à n’avoir pas tout fini en 5mn ET je m’évertue à faire quelques erreurs dans l’espoir de n’être pas compétente pour ce boulot...

Cependant, lors des résultats, je suis bien heureuse d’en avoir pas trop fait, car les 2 qui ont raté les tests sont quand même embauchables, mais avant ils doivent faire une semaine en situation !.... J’ai échappé au pire ! Ce qui est triste, c’est qu’elle avait les larmes aux yeux la petite qui a raté les tests ; elle le voudrait tellement ce boulot !... D’ailleurs les 2 qui ont raté les tests sont les 2 seuls qui m’ont semblée réellement motivés pour ce boulot...

On nous fait revenir à 14h pour des entretiens avec l’employeur... A 14h, on est tous là, mais pas l’employeur, ni à 14h10...Il ne viendra pas au rendez-vous, il a oublié... « Mais c’est pas graaaave, Richard !... Ils reviendront quand tu veux ! Vendredi ? (3 jours après) OK, ils reviendront vendredi. »

(Pour rappel, moi je me suis faite traitée de moins que rien parce que 5mn de retard le matin... Mais je suis chômeuse, pas employeuse... ; pour rappel, j’habite à 30km de l’ANPE, l’employeur à moins d’un km...)

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Il y a 6 ans, en 2002, je me suis retrouvée inscrite à l’ANPE suite à un licenciement économique, indemnisée par les ASSEDIC. J’avais un projet. On m’a aidée et accompagnée pour ce projet : bilan de compétence très intéressant et valorisant, formation de 9 mois, puis montage du projet.

Aujourd’hui, pour cause familiale et de santé, je quitte mon emploi et je me retrouve à nouveau aux ASSEDIC et inscrite à l’ANPE, et c’est une toute autre musique...
Pourtant j’ai un nouveau projet, qui s’inscrit complètement dans la continuité du premier... Mais ici : « on ne rêve pas : si vous voulez être danseuse ou chanteuse, il faut aller à Paris, ici on veut être agent d’entretien ou aide à domicile, sinon on n’est pas demandeur d’emploi et on est radié »...dixit une « conseillère » (« terminator »).

Elisabeth C (Corrèze)